Fabriquer ses skis en 10 étapes (source skipass.com)


Il y a toute une frange de skieurs passionnés qui pourtant ne mettent jamais les pieds en magasin (réel ou virtuel) pour acheter une paire de ski. Pour qui un topsheet flambant neuf ne provoque pas d'intenses émotions tactiles. Qui connaissent exactement le nombre de centilitres de résine utilisés dans leurs skis et pour cause, ils en ont encore sur les doigts.
Martin et Julien, 21 et 23 ans, étudiants en école d’ingénieurs en matériaux composites à Chambéry, font partie de ces bricoleurs de la glisse. Leurs shapes sont approximatifs, la finition inexistante, la peinture écaillées, la déco au feutre, les défauts de fabrication partie intégrante de la déco... mais pour rien au monde ils ne remonteraient sur une paire fabriquée en usine !
«Au début, c’était du test, pour se faire plaisir, sortir des fats à moindre prix. Les skis du commerce coûtent cher quand on veut de la qualité. Alors on s’est renseigné, trouvé des tutoriels. Notre première paire était inskiable et la seconde ok. En fait, c’est pas compliqué, mais c’est subtil, très fin : 1 mm d’écart d’épaisseur du noyau bois en spatule et le ski est inskiable».
Leurs skis coûtent environ 150 euros de matière première pour des modèles de 160 mm de large maximum en spatule («les rouleaux de semelle font 32 cm, donc je peux sortir deux skis par largeur»). Il faut compter deux jours complets pour fabriquer une paire, soit 10 h par jour à deux (ce qui facilite les manipulations, notamment au moment du collage). 
Leur dernière création est un ski en forme de banane, avec une étrave dans laquelle est insérée une carre.  «Il me restait de la matière pour une paire, j’ai essayé cela, j’ai hâte de les skier !». Vous voulez vous y mettre ? Alors voici leur méthode en dix étapes. 


Etape 1 : Le matériel


Pour faire des skis, il faut du matos, de la place et du temps (et le temps, c’est de l’argent, donc si tu as de l’argent, c’est encore mieux !). D'abord un local, si possible ventilé, au moins 2m x 3m avec électricité et qui ne craigne rien (poussière, sciure, peinture…). Ensuite, du matériel : Bois, Semelle (2 m* 32 cm), Carres (8 m), Colle à bois polyuréthane (500 ml), Défonceuse, Rabot électrique, Scie sauteuse, Perceuse, Rallonge électrique, Cutter, Petites pinces plastiques (x10), Scotch double face et scotch transparent (1 rouleau de chaque), Pompe à vide, Serre-joints (mini 8), Super glue, Ponceuse à bande, Résine époxy (environ 1 kg par paire), Fibre de verre triaxiale (de 250 à 1200g/m2), Bâche à vide, Mastic d’étanchéité (type vitrier, en rouleau), Tissu d’arrachage, Drain, Pinceaux/gobelets, Acétone, Balance précise au gramme, Equipements de Protection Individuelle (Gants, lunettes de sécurité, masque avec filtre anti-particules), Ciseaux, Un plan de travail en bois mélaminé de 2m * 50 cm, De quoi faire de la déco.
Il y a du matériel que tu peux te fabriquer, par exemple, la pompe à vide. On verra plus loin qu’un moteur de frigo rempli ce rôle à merveille. 

Etape 2 : Design, cotes et rigidité



Cette étape est cruciale. C’est maintenant que tu vas donner forme à ton idée de ski. Le plus simple pour commencer, c’est de se calquer sur un modèle existant, comme ça l’influence de la longueur du ski, de ses cotes, de son cambre, de sa rigidité est déjà limitée. Cela évitera de sortir un skiinskiable.
Le gros avantage de cette étape c’est qu’à peu près tout est possible. La forme du ski, ses zones souples, ses zones rigides, son cambre… tout dépend de toi ! Pour réaliser des shapes rapides, imprimable sur traceur ou en format A4, le logiciel gratuit SnoCadX est là ! Il est un peu difficile à utiliser au début, mais reste accessible à tout le monde.

Etape 3 : Le noyau





Pour être sûr que tout le monde parle le même langage, il est nécessaire de rappeler qu’un ski est principalement composé de trois parties : la semelle, le noyau, les renforts. La semelle sera la partie constituée de l’ensemble carres + semelle. Le noyau sera réalisé en bois dans notre cas (et dans la plupart des skis vendus dans le commerce, ndlr). Les renforts sont les parties en fibres de verre, carbone, kevlar, ou titanal qui serviront à apporter résistance et protection au ski.
Le choix de l’essence de bois est capital. Le plus généralement, on utilise du frêne pour ses bonnes propriétés mécaniques, son pop et sa densité. Le peuplier est souvent mélangé au frêne pour alléger le ski. Ses propriétés mécaniques sont moins bonnes, mais il permet d’apporter de la souplesse. L’épicéa, l’aubèche, le paulownia, le pin, le mélèze, le cèdre…. Tout est utilisable ! Il faut juste penser à ne pas prendre des bois cassants ou lourd et si possible, choisir un bois imputrescible. 
L’idée est de coller à la colle polyuréthane des tasseaux de bois, sur une longueur d’environ 2 m, et de largeur supérieure à la cote la plus large du ski. La planche ainsi assemblée doit être la plus plane possible. Pour cela, on utilise des serre-joints dans la largeur mais aussi dans la hauteur avec des chutes de bois pour plaquer l’ensemble au support. Attention, la colle PU, ça colle fort, très fort, une bâche plastique en protection n’est jamais de trop. 



Le noyau est donc assemblé, il faut maintenant le profiler, c'est-à-dire, lui donner une épaisseur variable sur la longueur du ski. En règle générale, on essaye de travailler sur des profils partant de 2 ou 3 mm en spatules et entre 10 et 12 mm sous le patin.
Plus le noyau va être fin, plus il sera souple, donc c’est déjà un premier point pour jouer sur le flex du ski. Attention ! Faire gaffe à ne pas descendre trop bas sous le patin, car il faut ensuite percer pour mettre les fixations, ça serait dommage d’avoir les vis qui sortent de la semelle… Pour le profilage, pas de règle particulière, le tout, c’est d’être plan d’un côté (futur côté semelle) et progressif de l’autre côté (pour éviter de casser dans des zones de fragilité). 
Chants droits ou cap ? Construction sandwich ou boite de torsion ? Là est la question ! Il va de soi que travailler en sandwich (chant droit) est plus facile à réaliser, mais le comportement en torsion du ski sera un peu moins bon. Pour vous rassurer, beaucoup de skis du commerce sont en chants droits !

Etape 4 : Semelles et carres




On ne va pas t’expliquer qu’il faut découper suivant les pointillés mais bon, l’idée y est. Une fois le gabarit papier découpé, le mieux est d’en réaliser un en bois, type contreplaqué, médium ou CTBS. Un truc pas cher, assez épais pour ne pas bouger et qui se découpe et se ponce bien.
Une petite astuce : pour avoir une semelle qui soit découpée le plus proprement possible, on fixe sur le coté du gabarit en bois, une cornière en alu (1.5 mm d’épaisseur) afin de lisser le gabarit au maximum et gommer les imperfections dues à la découpe. Un gabarit en bois bien fait te permettra de sortir plusieurs paires alors fais bien attention à la propreté du travail, vérifie la symétrie des rayons et tout ira bien. Une fois le gabarit en bois fini, il suffit de la plaquer sur ta semelle, un coup de scotch double face pour pas que ca bouge, et le suivre au cutter.
Pas besoin d’appuyer comme un âne ! Même si la lame n’a pas traversé entièrement le PTEX, la découpe est ok. Fais le côté en une passe si possible pour éviter les bavures. Une fois le tour du ski réalisé enlève ton gabarit et plie le PTEX le long de la découpe. En lui faisant faire 2/3 flexions tu sors une semelle propre et bien découpée ! Si il y a bien quelque chose qui ne se rattrape pas sur un ski, c’est bien la semelle alors pas de travail à l’arrache sur ce point ! D’autant que vu le prix…
L’idée maintenant est de découper, cintrer et coller les carres sur la semelle. Les carres s’achètent soit en rouleau de quelques mètres, soit en longueur déjà découpées d’environ 1.8 m ou 2 m. Pas de secret : Une pince coupante, des bras et BLING, on coupe. Ensuite, ou avant ça dépend de comment vous préférez travailler, il va falloir cintrer les carres pour les faire correspondre à la semelle.
Plusieurs méthodes : Des gants et du courage, se fabriquer une cintreuse et du courage, faire chauffer… Au début, on se dit que la carre fera le tour complet du ski, parce que c’est mieux, et c’est le moment où tu te dis que finalement, y a pas besoin de carres en spatule ! Plus sérieusement, le problème de cintrer les carres en spatules, c’est que ça fait vriller l’acier, et après c’est la galère pour remettre le tout à plat. Petite astuce : couper des petits bouts de carres pour faire les spatules. Généralement, en trois morceaux c’est propre, rapide et efficace.
Une fois que les carres sont coupées aux bonnes dimensions, on colle le tout à l’aide de la super glue et des pinces plastiques. Une fois que tout est collé, l’ensemble semelle et carre est fini ! Ca y est, on commence à être pas trop mal !

Etape 5 : Choix et découpe des renforts composites
Il ne reste plus que la stratification et la finition ! Mais juste avant de strater, il faut choisir les renforts (fibres) que l’on va placer dans le ski.
Quelques infos sur les différents renforts, après à vous de vous débrouiller :
-minimum une couche de fibres entre la semelle et le noyau, et une couche dessus le noyau.
-Utiliser au moins un triaxial de verre (0/45/-45). Plus le grammage au m2 sera gros, plus votre ski sera rigide, mais plus il sera lourd et épais. Travailler entre 500 et 1200g/m2 pour du triaxial.
-Le carbone (photo ci-contre) : c’est bien, c’est beau, c’est cher… c’est cassant aussi. C’est un matériau qui est très rigide une fois stratifié, alors il faut y aller avec prudence. Une couche de carbone en dessous et en dessus du noyau et vous avez une barre à mine en fonction du grammage.
-Le kevlar : à éviter dans un ski. Ca se découpe mal, ça s’imprègne mal, il faut l’étuver avant utilisation, il faut le placer dans le ski à l’abri des rayons UV… 
-Renforts métalliques (alu, titanal…) : vous pouvez en utiliser, il faut juste penser à sabler les surfaces et passer un coup d’acétone pour assurer l’adhérence.
-Pour donner un ordre de grandeur, un ski bien rigide en patin et un peu rigide en spatules également est obtenu avec la composition suivante :
Bois utilisé : pin, profil du noyau 2,5mm en nose, 11 mm au patin, 3 mm en tail.
Strates : semelle et carres : triaxial de verre 1200g - noyau : triaxial de verre 1200g - sergé 2x2 carbone sous le patin.


Etape 6 : La stratification


Il existe principalement deux méthodes : sous-vide et sous presse. Ici on parlera de la méthode sous-vide, car beaucoup d’infos circulent sur le net avec la méthode sous presse. Déjà la stratification sous-vide, qu’est ce que c’est ? C’est l’assemblage de tous les éléments du ski (semelle, carres, noyau, renforts) dans une enceinte sous-vide. Le vide permet de plaquer de manière uniforme l’ensemble des composants.
Pour cela il est nécessaire d’avoir une bâche à vide (bâche en polyane, résistante à la chaleur et à la crevaison), du mastic d’étanchéité (qui s’achète sous forme de ruban), une gaine étanche et inécrasable (flexible d’aquarium, tuyau de gaz, durites…), du tissus d’arrachage, du drain, une pompe à vide.
Pour les premiers matériaux, je vous laisse voir avec les fournisseurs en matériaux composites. Pour la pompe à vide, étant donné que c’est un peu cher et qu’il y a moyen de se débrouiller autrement, on va un peu expliquer.
On peut récupérer un moteur de frigo, sectionner les durites entrantes et sortantes, et en shuntant le thermostat, on peut faire fonctionner le moteur en permanence. Un compresseur de frigo aspire d’un coté et refoule de l’autre, et le vide qu’il est capable de tirer nous intéresse. Donc avec un frigo HS, 1 pince coupante, 1 domino et quelques recherches rapides sur internet, on se fabrique une pompe à vide homemade ! 
Fini de bricoler, il est temps de passer aux choses sérieuses : la stratification !
Donc c’est parti... Sur le bord du moule ou de la bâche, on place le mastic d’étanchéité. On dispose la semelle sur son moule ou sur sa bâche, on fabrique de la résine (mélange résine + durcisseur) que l’on pèse précisément. Fabriquez 100g de résine par 100g et non pas directement des grandes quantités. On applique au pinceau une couche de résine sur la semelle. On dépose de la première couche de renforts fibreux. On imprègne au pinceau en tapotant et en ajoutant de la résine.
Dépose du noyau : attention à le positionner correctement, bien centré, pour ne pas qu’il glisse pendant le tirage du vide. On imbibe le noyau de résine, puis dépose de la deuxième couche de renfort fibreux, si vous en avez une troisième, une quatrième, etc. faites donc !
Une fois les composants du ski empilés, on dépose par-dessus du tissu d’arrachage, qui servira à enlever l’excédent de résine du ski et à démouler facilement. Par-dessus le tissu, on place du drain qui permettra de tirer un vide uniforme sur toute la surface du ski. On place l’arrivée de la gaine de vide et on ferme l’ensemble avec la bâche à vide. On démarre sa pompe à vide et on fait la chasse aux fuites. Quand il n’y a plus de fuite, tout doit être plaqué parfaitement, et on doit voir le noyau à travers les renforts, le tissus d’arrachage et le drain.
Attention ! il faut se dépêcher car la résine a déjà commencé à polymériser et il faut encore mettre l’ensemble en cambre. Pour cela, vous avez besoin de cinq tasseaux et d’un support rigide (type table). Trois tasseaux fixés sur la table : deux épais qui formeront les spatules, et un plus fin qui donnera le cambre. On dispose l’ensemble du sac à vide dessus et on vient utiliser deux autres tasseaux que l’on plaque sur la table. Les skis sont pris en sandwich entre les cinq tasseaux et vont rester ainsi pendant la durée de la polymérisation (de 6 à 24 h suivant la résine et la température).
On laisse l’ensemble sous vide jusqu’à ce que tout soit durcit. Vous pouvez utiliser des régulateurs de vide qui évitent de faire tourner le moteur de frigo tout le temps.

Etape 7 : Le détourage

Ca y est, vos skis sont finis ! Ou presque, parce que là, ça ressemble plus à une table à repasser qu’autre chose. On enlève la bâche à vide, le tissus d’arrachage, le scotch sur la semelle et hop, on y est presque.
Il faut les détourer en suivant les carres. Pour cela, soit à la scie sauteuse avec des lames spéciales fibre de verre, soit à la disqueuse diamant. Attention, la fibre, ça gratte beaucoup, donc protection maxi des voies respiratoires, des yeux, de la peau etc…
Il se peut que vous ayez des plis de résine sur le dessus. Un coup de ponceuse à bande pour rattraper les grosses marques, papier de verre à la main pour finir, mais faire attention à ne pas toucher la fibre pour ne pas l’abîmer. Avec la ponceuse également, passez un coup sur les chants jusqu’à arriver aux carres. Ca fait des étincelles, c’est joli !


Etape 8 : la déco

Soit vous laissez bois et fibres apparents (c’est sympa quand même) soit vous pouvez décorer à la peinture, au papier de soie imprimé, au papier serviette, au posca…. C’est l’après-midi loisirs créatifs !  Il faut ensuite protéger cette déco avec soit du vernis, type marine, appliqué au pinceau ou au pistolet, soit glaçage à la résine.
Le glaçage c’est ni plus ni moins qu’un vernis, mais à la résine. Vous mélangez votre résine et votre durcisseur dans les quantités préconisées et vous rajoutez 5 à 10% en masse d’acétone. Ca liquéfie le mélange, le débulle et vous pouvez ainsi appliquer une couche très fine de résine qui va se tendre en durcissant. Les couleurs seront vives et les fibres (notamment le carbone) brilleront de mille feux ! Laisser sécher à l’abris de la poussière pendant 6 à 24 h encore.

Etape 9 : La finition

Les skis sont presque prêts à être skiés. Il leur faut juste faire un petit tour dans un salon de beauté pour ski. Un coup de passage à la pierre pour la semelle, affutage des carres, fartage, montage de fixations.

Etape 10 : Se faire plaisir !


Source:  Skipass

Complément d'information Wagner Custom Skis

Site officielle de Wagner Custom Skis



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